Le début des années 80 fut une période difficile pour le milieu des affaires au Canada. Avec le retour de l’inflation et des taux d’intérêt de près de 20 %, les perspectives de reprise économique étaient plutôt sombres. Malgré un actif solide et de bons bénéfices, Power Corporation jugea prudent de réaménager son capital et de réduire sa dette à long terme.
En avril 1984, pour réaliser son ambition de créer un groupe intégré de services financiers, Power céda ses parts dans la Great-West, le Groupe Investors et Montréal Trust à une nouvelle filiale, la Corporation Financière Power, qui lança un appel public à l’épargne l’année suivante. Une autre série d’opérations effectuées en 1984 et 1985 permit à la Société d’éliminer entièrement sa dette à long terme.
En juillet 1981, Power Corporation vendit, pour 195 millions $, le groupe CSL, détenu en propriété exclusive. Cette transaction mit fin aux liens privilégiés et de longue date entretenus avec Canada Steamship Lines et, pour la première fois depuis le début de sa carrière, Paul Desmarais ne possédait plus d’intérêts dans les services d’autocars. Mais la cession de cette importante entreprise du secteur du transport permit à Power d’investir dans une autre entreprise d'encore plus grande envergure. En effet, elle acheta presque aussitôt 4,4 % des actions avec droit de vote du Canadien Pacifique Limitée (CP), gigantesque conglomérat actif dans le transport ferroviaire et maritime, le pétrole et l’immobilier, dans lequel des filiales de Power vinrent aussi à détenir des positions totalisant 1,4 %. Power s’engagea à ne pas acheter plus de 15 % des actions du CP pendant une période de dix ans, en échange de deux sièges à son conseil d’administration et d’un siège à son comité exécutif.
Également en 1981, dans un geste qui aura une portée encore plus grande, Power Corporation prit une participation de 20 millions $ dans Pargesa Holding SA, une société suisse qui possédait un bloc d’actions important de la Banque de Paris et des Pays-Bas (Suisse). Cette banque suisse avait été une filiale de la Compagnie Financière de Paris et des Pays-Bas, la banque française maintenant appelée Paribas, avec laquelle Power entretenait des liens étroits depuis plusieurs années.
Paribas avait acheté 20 % de Power en 1978 et Power avait acquis 2,3 % de Paribas en 1979. Les deux sociétés étaient représentées à leurs conseils d’administration respectifs. Juste avant sa nationalisation par le gouvernement français en 1981, Paribas vendit ses entreprises non-françaises et, avec la compensation que Power reçut, elle fit l’acquisition d’une participation de contrôle dans Pargesa Holding avec d’autres partenaires, notamment l’homme d’affaires belge Albert Frère, avec lequel débuta alors un partenariat remarquable et éminemment favorable pour Power.
C’est aussi en 1981 que Paul Desmarais, jr se joignit à Power Corporation, où il fut rejoint deux ans plus tard par son frère André. S'étant joint à la Société dans des postes de direction, les deux frères devinrent étroitement impliqués dans le développement de la stratégie corporative et dans les diverses transactions entreprises par Paul Desmarais et son équipe de gestion. Depuis qu’il était devenu actionnaire majoritaire, c’était le vœu de Paul Desmarais que ses fils lui succèdent un jour et que les liens historiques de la famille avec Power Corporation se poursuivent avec les générations suivantes.
Au cours de leurs premières années, les deux frères concentrèrent leur attention sur divers aspects des activités. Paul Desmarais, jr participa à la création de la Corporation Financière Power en 1984 et en devint président et chef de la direction en 1986. Il assuma également la supervision des participations européennes de Power. André devient étroitement impliqué dans les produits forestiers et les communications et fut nommé président et chef de l'exploitation de Gesca en 1984, puis président du conseil et chef de la direction de Diffusion Power en 1988. Il assuma également la supervision des activités de Power en Chine et fut président du conseil du Conseil commercial Canada-Chine de 1992 à 2002.
Liste des dirigeants
et des membres du conseil
Lorsqu’ils furent nommés co-chefs de la direction en 1996, chacun d’eux apportait à Power Corporation une profonde connaissance de leurs secteurs d’activité respectifs. Ensemble, ils formaient une équipe solide, riche de leur expérience et de leurs compétences distinctes mais complémentaires.
Au début des années 1980, la conjoncture était difficile au Canada. L’inflation faisait rage, les taux d’intérêt frôlaient les 20 % et les perspectives économiques étaient sombres. Les produits forestiers de Consolidated-Bathurst en souffraient tout particulièrement et les résultats de son secteur pétrolier et gazier étaient mitigés. Ayant des actifs et un bénéfice solides, Power jugea alors prudent de réaménager son capital et de réduire son endettement à long terme.
Pour atteindre ces objectifs et constituer un groupe intégré de services financiers, Power céda, en avril 1984, ses participations dans la Great-West, le Groupe Investors, Montréal Trust et Pargesa à une nouvelle filiale, la Corporation Financière Power. L’année suivante, celle-ci lança un appel public à l’épargne.
C’est aussi en 1984 que James (Jim) W. Burns devint le premier président et chef de la direction de la Financière Power. Monsieur Burns posa les premiers jalons qui permirent à la Financière Power de devenir le chef de file qu’elle est aujourd’hui dans le secteur des services financiers. La Société bénéficie d’ailleurs encore des conséquences de son flair. Il fut président et chef de la direction de la Great-West de 1971 à 1978, et c’est à son leadership qu’on attribue une grande part de la croissance rapide et fructueuse de cette société au Canada et aux États-Unis. Paul Desmarais le nomma président de Power Corporation au début de 1979 et il continua d’assumer la présidence du conseil de la Great-West pendant plusieurs années. Durant les premières années d’activité de la Financière Power, Paul Desmarais en était le président du conseil, alors que Frank Knowles en était le vice-président du conseil.
Sous la direction de cette équipe, la Financière Power entreprit rapidement de restructurer ses investissements, de convertir ses intérêts indirects dans la Great-West et Montréal Trust en participations directes, et d’acquérir, par l’entremise d’une nouvelle filiale, les activités des filiales en exploitation du Groupe Investors. La Great-West et le Groupe Investors lancèrent par la suite des appels publics à l’épargne, notamment en vue d’établir le cours de leurs actions à des niveaux plus représentatifs de la valeur réelle des actifs de Power et de la Financière Power.
Liste des dirigeants
et des membres du conseil
Dans le cadre d’un placement privé, la Financière Power céda 20 % de son capital à la Banque Royale du Canada, à la Banque de Nouvelle-Écosse et à La Caisse de dépôt et placement du Québec, la caisse de retraite du gouvernement du Québec, pour un total de 138 millions $. Par ailleurs, par l’entremise d’un reclassement combiné avec le premier appel public à l’épargne de la Financière Power, Power vendit trois millions d’actions de la Financière Power, ce qui réduisit sa participation à 70 %. Elle utilisa la majeure partie du produit de cette opération pour réduire sa dette. Elle mobilisa 130 millions $ supplémentaires en émettant de nouvelles actions de son propre capital. Enfin, en 1985, elle liquida sa position dans la Banque Nationale du Canada et vendit, pour plus de 187 millions $, ses actions du Canadien Pacifique Limitée.
Ces opérations lui permirent d’éliminer entièrement sa dette à long terme et cet élément est alors devenu un aspect fondamental de sa stratégie.
Lors de la reprise subséquente de l’activité économique, Power était, avec la remontée de ses bénéfices, en bonne position pour faire fructifier ses principaux investissements et à en considérer de nouveaux. Elle poursuivit donc son soutien à ses filiales les plus lucratives en maintenant ou en renforçant ses participations dans le Groupe Investors, la Great-West, Montréal Trust, Consolidated-Bathurst et Pargesa – dans plusieurs cas dans le cadre de nouveaux appels publics à l’épargne lancés par ces sociétés. En 1986 et au début de 1987, la Financière Power mobilisa ainsi, directement ou indirectement, près de 450 millions $, dont elle garda plus de la moitié sous forme de liquidités.
De son côté, Power Corporation entreprenait de nouveaux projets dans d’autres secteurs. En 1986, elle acheta les stations de radio et de télévision québécoises et ontariennes de la Société Gestion Katenac Ltée et de Prades Inc. et les confia à Diffusion Power, une nouvelle filiale en propriété exclusive. Elle fit aussi un placement fructueux dans Sutter Hill Ventures, une société de capital de risque en commandite établie en Californie.
Au même moment, Power et Consolidated-Bathurst créèrent ensemble, à parts égales, Pâtes à Papier Power Consolidated (Chine) pour ensuite acheter une participation de 50 % dans une usine de pâte située à Castlegar (C.-B.) dans le cadre d’une alliance avec la filiale canadienne de China International Trust and Investment Corporation (CITIC), l’organe d’investissement à l’étranger de la République Populaire de Chine. Ce partenariat, fruit des efforts poursuivis par Power vers la fin des années 1970 pour établir des liens avec le gouvernement chinois, représentait alors le plus gros investissement jamais effectué par CITIC hors de Chine et il fut suivi de plusieurs autres.
Dans son rapport annuel de 1986, Power Corporation fit un retour sur ses réalisations depuis 1967. Ses actifs étaient passés de 165 millions $, investis principalement dans une vingtaine d’entreprises, à plus de trois milliards, essentiellement répartis entre deux sociétés : la Financière Power et Consolidated-Bathurst. Son bénéfice avant les éléments exceptionnels atteignait 136 millions $ en 1986, contre 4,6 millions $ en 1967. Ses dividendes avaient augmenté de 5,5 ¢ à 50 ¢ par action (en actions comparables) et les actions avaient été divisées à raison de deux pour une en 1979, puis en 1985 et à nouveau en 1986.
La Société attribuait ces rendements records à sa fidélité à ses principes fondamentaux, soit la présence, au sein des conseils d’administration des sociétés du groupe, d’une majorité de membres indépendants et puissants recrutés dans le monde des affaires, de même que la mise en place d’équipes de gestionnaires qui reçoivent des encouragements, un soutien et des témoignages de reconnaissance de la part de leurs conseils d’administration respectifs et de la société mère.
Les années 80, qui avaient débuté dans l’incertitude, s’achevèrent avec la réalisation d’une importante transaction. En janvier 1989, Power reçut de Stone Container Acquisition Corporation une offre non sollicitée de 25 $ par action de Consolidated-Bathurst. En raison des liens étroits et de longue date entre Power et Consolidated-Bathurst, le conseil d’administration trouva la décision difficile à prendre, mais l’offre était alléchante : elle représentait en effet deux fois et demie la valeur comptable des actions. De plus, les perspectives du secteur des pâtes et papiers étaient incertaines en raison de la surcapacité de production mondiale, de la baisse de la compétitivité des stocks de fibres du Canada et des nouveaux investissements énormes qu’il fallait envisager, surtout pour la protection de l’environnement. La transaction, l’une des plus importantes jamais réalisées au Canada jusque-là, apporta à Power un produit de 1,022 milliard $.
Deux mois plus tard, en mars 1989, la société-mère montréalaise de Bell Canada, BCE Inc., proposa à la Corporation Financière Power 547 millions $ pour ses actions de Montréal Trust, soit environ deux fois plus que la valeur comptable du placement. Cette offre fut acceptée, en grande partie en raison des doutes que la Financière Power entretenait depuis quelque temps déjà au sujet de la capacité d’une entreprise de dépôt de taille moyenne, telle que Montréal Trust, à résister à long terme à la concurrence des grandes banques à charte canadiennes.
De 1982 à 1989, en tant que président du conseil, président et chef de la direction, Robert Gratton avait dirigé Montréal Trust à travers une période de forte croissance et d’amélioration sensible de ses résultats financiers.
Paul Desmarais, jr siégea au conseil du Montréal Trust et travailla en étroite collaboration avec Robert Gratton pour assurer la vente de Montréal Trust. Il réussit à convaincre M. Gratton de quitter Montréal Trust, dont il était un haut dirigeant fort apprécié, pour devenir, en 1989, président de la Financière Power. Il en devint le chef de la direction en 1990, au moment où Paul Desmarais, jr fut nommé président exécutif du conseil de la Financière Power.
Liste des dirigeants
et des membres du conseil
La décision de vendre Montréal Trust à BCE à ce moment-là fut en quelque sorte un geste visionnaire, puisque les activités fiduciaires canadiennes allaient passer, à peine quelques années plus tard, aux mains des principales banques canadiennes.
La part du groupe Power du profit avant impôt réalisé sur ces deux transactions atteint plus d’un milliard de dollars et Power Corporation put clore la décennie en déclarant un dividende extraordinaire de 1 $ par action en faveur des porteurs de ses actions privilégiées participantes et de ses actions comportant un droit de vote limité (les anciennes actions ordinaires).