Durant les années 1950, Power Corporation continua de prendre des positions minoritaires dans des sociétés de production d'électricité à travers le Canada. Mais surtout, elle acquit une participation dans Shawinigan Water and Power Company, l’un des plus grands producteurs d’hydroélectricité privés au monde, possédant d’imposantes installations au Québec. Parallèlement, les services d’ingénierie et de construction de Power conçurent et réalisèrent de nouvelles installations hydroélectriques innovatrices, de la Colombie-Britannique à Terre-Neuve.
Les années 1960 imposèrent des changements importants à Power Corporation, alors que plusieurs gouvernements provinciaux, dont celui du Québec, décidèrent de nationaliser l’industrie de l’hydroélectricité, qu’elles considéraient comme un service public essentiel. Entre 1962 et 1964, plus de 80 % du portefeuille de la Société dut être liquidé.
Désormais dirigée par A. Deane Nesbitt et Peter N. Thomson, les fils des fondateurs, Power Corporation avait besoin d’une nouvelle stratégie. Ce fut donc le début d’un processus d’acquisition de participations importantes dans des sociétés plus diversifiées des secteurs de l’énergie, des services financiers, des produits industriels et de l’immobilier.
Les années 1950 amenèrent des changements importants et une croissance rapide, annonciatrice de bouleversements plus spectaculaires encore au cours des décennies suivantes. Power Corporation continua pendant quelque temps d’investir dans des entreprises de production d'électricité, prenant des positions minoritaires dans International Utilities en Alberta, United Towns Electric à Terre-Neuve et Winnipeg & Central Gas au Manitoba, ainsi que dans Brazilian Traction, Light and Power, une société de portefeuille canadienne détenant des filiales de services publics au Brésil. Mais surtout, elle acquit une participation dans Shawinigan Water and Power Company, l’un des plus grands producteurs d’hydroélectricité privés au monde, possédant d’imposantes installations au Québec. Cette participation fut accrue en 1957 lorsque la Société échangea sa participation majoritaire dans Southern Canada Power contre des actions ordinaires spéciales de Shawinigan Water and Power Company. Parallèlement, les services d’ingénierie et de construction de Power réalisaient avec succès de nouvelles installations hydroélectriques de la Colombie-Britannique jusqu’à Terre-Neuve.
Le règlement conclu par Foreign Power Securities avec le gouvernement français à l’issue de plusieurs années de négociations et l’expropriation de Winnipeg Electric par la Commission hydro-électrique du Manitoba en 1953 apportèrent toutefois des liquidités importantes à Power Corporation, de même qu’un incitatif à diversifier son portefeuille. En effet, il y avait moins d'occasions d'investir dans le secteur de l'hydroélectricité et l’idée d’acquérir d’autres positions dans ce secteur devenait moins alléchante.
Avant 1952, Power avait déjà fait des investissements importants dans un autre segment de la production d’énergie (Canadian Oil Companies, Anglo-Canadian Oil), de même que dans les domaines des services financiers (Banque Royale du Canada), des pâtes et papiers (Bathurst Power and Paper) et de la production industrielle (Celanese Canada), souvent par le biais de placements en prise ferme de Nesbitt, Thomson and Company.
En juin 1955, l’acquisition d’Anglo-Canadian Oil par Canadian Oil Companies fit de cette dernière la principale participation de Power, devant toutes les sociétés d’hydroélectricité, représentant en effet 11 millions $ dans un portefeuille de 64 millions $. Canadian Oil Companies, qui avait été fondée en 1908 et qui s’était positionnée comme seule entreprise pétrolière pleinement intégrée d’appartenance canadienne, avait des puits productifs en Alberta, une raffinerie moderne en Ontario, une usine de lubrifiants au Québec et des milliers de stations d’essence White Rose dans tout le Canada, ainsi qu’une participation dans Interprovincial Pipe Line.
Le vent du changement fut plus marqué après le décès d’A.J. Nesbitt en 1954, puis de P.A. Thomson en 1956. Leurs fils respectifs, A. Deane Nesbitt et Peter N. Thomson, se sont alors succédés à la présidence de la Société, dont ils ont accéléré la diversification en faisant des placements dans Trans-Canada Pipe Lines, Gaz Naturel du Québec, Imperial Investment Corporation et Laiteries Dominion Ltée.
Liste des dirigeants
et des membres du conseil
En 1960, bien que Power était encore généralement perçue comme une entreprise de production d’électricité, seuls 39 % de la valeur boursière de son portefeuille de 74 millions $ restaient investis dans la production d’électricité et les services publics. Le reste était réparti entre les secteurs du pétrole, du gaz et des pipelines (33 %), des services financiers (11 %), des pâtes et papiers (10 %) et d’autres investissements (7 %).
Les années subséquentes apportèrent des changements plus importants encore, précipités surtout par des événements extérieurs. En 1961, l’expropriation des principaux actifs de British Columbia Power par le gouvernement de la Colombie-Britannique produisit environ 8 millions $ de liquidités pour Power Corporation. La province a par la suite aussi racheté la participation de Power dans East Kootenay Power. En 1962, Royal Dutch Shell lança une offre publique d’achat sur Canadian Oil Companies, puis elle acheta la participation de Power pour une somme évaluée à 41 millions $ en espèces et en actions. En mai 1963, la Commission hydroélectrique du Québec acheta, pour plus de 19 millions $ en espèces, les actions de Power dans Shawinigan Water and Power Company et dans la filiale québécoise de Canada Northern Power.
Entre 1962 et 1964, plus de 80 % du portefeuille de Power Corporation fut liquidé.
C’est dans cette conjoncture riche de défis et de possibilités que Peter N. Thomson entra en poste comme président du conseil et président de la Société en 1962, tandis que A. Deane Nesbitt réintégrait à temps plein les fonctions de président et chef de la direction de Nesbitt Thomson, qu’il avait assumées depuis 1954. La première décision de Peter Thomson fut de recruter Maurice F. Strong, un jeune et dynamique analyste de Winnipeg, et de le nommer vice-président exécutif. En collaboration avec le conseil d’administration, les deux hommes élaborèrent une nouvelle stratégie corporative pour Power Corporation. Étant donnée la position de trésorerie de la Société, ils commencèrent à acquérir des participations plus importantes dans des sociétés davantage diversifiées. De plus, pour mieux protéger et faire fructifier ces placements, Power chercha à jouer un rôle plus actif dans l’élaboration des stratégies de développement et dans la gestion des sociétés de son portefeuille.
S’étant déjà départi de certains placements mineurs, dont Laiteries Dominion et United Towns Electric, Power Corporation entreprit de repenser sa raison d’être. En 1963, elle prit une participation de 30 % dans Canadian Industrial Gas, augmenta celles qu’elle détenait dans Greater Winnipeg Gas et la Financière Laurentide (antérieurement Imperial Investments), acheta d’importantes participations dans Canada Steamship Lines (CSL) et P. Lawson Travel, échangea ses actions de Celanese Canada contre des actions de Chemcell, dans laquelle elle investit 12 millions $ de plus, et entreprit d’acheter en totalité Industries Shawinigan, qui détenait les activités de Shawinigan Water and Power Company autres que celles des services publics. Cette dernière disposait alors elle-même de plus de 27 millions $ de liquidités, dont une partie fut aussitôt investie dans Canadian Interurban Properties, la nouvelle division immobilière de Power, et dans McIntyre-Porcupine Mines.
Les actions ordinaires de Power Corporation, qui se négociaient à 87,50 $, furent divisées à raison de dix pour une au début de l’année 1963.
En 1964, Power tira plus de 69 millions $ de la vente de ses participations dans Shell, Trans-Canada Pipe Lines et de certains actifs des Industries Shawinigan, dont plusieurs employés furent mutés au siège social de Power, notamment A. Frank Knowles, comptable et directeur financier, qui gravit les échelons jusqu’à la présidence de la Société, poste qu’il occupa de 1986 à 1991.
L’année suivante, Power liquida en totalité ou en partie une bonne douzaine d’autres placements, dont Northern British Columbia Power, la Corporation de Gaz Naturel du Québec et Chemcell. Bien que le nombre de sociétés représentant 90 % ou plus du portefeuille passa de 31 à 18 en trois ans, soit de 1962 à 1965, Power investit quand même dans dans de nouveaux secteurs et dans d’autres entreprises, dont Consolidated Paper, Congoleum-Nairn, Dominion Glass, Roy West Banking, Yorkshire Financial, Motels of Australia, North American Recreation Industries, l’élevage Liverpool Plains, Québec Télémédia et Northern and Central Gas.
Cette période fut aussi rentable qu’active. De 1962 à 1963, la valeur boursière du portefeuille de la Société passa de 82 millions $ à plus de 120 millions $, dont le domaine de l’énergie représentait moins de 9 %.
En 1966, lorsque Maurice Strong quitta pour prendre la direction générale du programme d’aide à l’étranger du gouvernement canadien et que William Turner le remplaça comme président, Power Corporation avait atteint de nouveaux records avec un actif de 214 millions $, un bénéfice de 7,7 millions $ et 2,6 millions $ de dividendes versés aux porteurs de ses actions ordinaires. À la fin de 1967, la valeur boursière de ses actions ordinaires se chiffrait à 51 millions $.
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Très rapidement, toutefois, des nuages apparurent à l’horizon. En raison surtout du laisser-faire fiscal des États-Unis, on assista à une augmentation de l’inflation, des taux d’intérêt et des déficits publics. La Bourse amorça alors une chute libre, menant à la ruine les spéculateurs trop avides, et l’économie nord-américaine s’enraya brusquement. Plusieurs des principales entreprises de Power Corporation se heurtèrent à des difficultés, soit à cause de la dégradation de la conjoncture, soit pour avoir commis des erreurs.
La valeur de Consolidated-Bathurst, née en 1966 de la fusion des deux principales participations de Power dans les pâtes et papiers, s’effondra en raison des difficultés touchant l’ensemble de ce secteur au Canada, incluant la faiblesse des marchés mondiaux, les excédents de capacité et l’escalade des coûts d’exploitation. Dominion Glass, un fabricant de contenants en verre, était en perte de vitesse, le groupe de transport maritime et de construction navale Canada Steamship Lines éprouvait des conflits syndicaux et Inspiration Limited, la filiale de construction de Power, subissait l’incidence du ralentissement de la demande au sein de ce secteur et des pertes liées à deux importants contrats. Quant à la Financière Laurentide, même si elle parvenait à surmonter la crise de confiance envers le secteur financier canadien causée par l’effondrement d’Atlantic Acceptance Company au milieu des années 1960, elle n’était toujours pas en mesure de payer des dividendes aux détenteurs de ses actions privilégiées et ordinaires. La brusque chute du bénéfice de Power ne fut alors compensée que par la vente à profit de certains actifs, notamment la totalité de sa participation dans Congoleum-Nairn, une entreprise du secteur manufacturier, et des actions de la Banque Royale du Canada, de British Newfoundland Corporation et d’International Utilities.